Récemment, un dirigeant d’entreprise que nous accompagnons me disait qu’entre les grèves de fin d’année et le Covid-19, ils avaient dû s’adapter et faire beaucoup plus de télétravail, mais que, quand même, « ce n’était pas aussi efficace ! »
Peut-être êtes-vous dans la même situation, ou en train de réfléchir à l’organisation de vos équipes face aux mesures de confinement qui pourraient vous toucher. Pour nourrir ces réflexions, nous avons souhaité partager avec le plus grand nombre notre expérience et nos recommandations, tirés des coachings et formations que nous avons menés sur le sujet.
Travailler à distance, c’est d’abord prendre soin de la logistique et de la technique. C’est trouver le bon endroit pour travailler. Cela peut-être une pièce de la maison, avec une bonne connexion réseau, un ordinateur pro ou perso, et les outils de partage de fichiers adéquat avec le reste de son équipe. En terme de réseau, très souvent je préfère utiliser la 4G de mon téléphone, en faisant un partage de connexion, plutôt qu’un Wifi dont la bande passante est saturée.
Ensuite, il faut revenir au B-A-BA du management par objectif, avec une bonne dose d’écoute active et d’adaptation au niveau d’autonomie des personnes.
Le management par objectif, c’est le fameux SMART
- Un objectif Spécifique, c’est à dire suffisamment détaillé
- Mesurable : à quoi verra-t-on que la personne a atteint son objectif ou, pour les objectifs moins objectivables, que se passe-t-il si cet objectif n’est pas atteint
- Adapté à la personne et au poste qu’elle occupe
- Réalisable : question de moyens et de compétences
- Temporalisé : une échéance finale et, souvent, des échéances intermédiaires
Fixer un objectif est la première étape. Encore faut-il que l’objectif soit compris et accepté. Quel manager ou co-équipier n’a pas vécu la situation suivante :
- Est-ce que c’est clair ? dit le manager
- Oui, c’est bon, répond le co-équiper
Et puis une fois devant son ordinateur, ce n’est plus si clair. Mais on avance malgré tout parce qu’il est difficile de revenir vers son manager. Cela pourrait vouloir dire qu’il n’est pas clair ou alors que je ne suis pas suffisamment intelligent pour le comprendre, alors que c’est tout simplement que l’on n’a pas suffisamment creusé la demande. Résultat : le produit fini dérive par rapport aux attentes du manager.
Pour éviter ça, pratiquons l’écoute active du grand Carl Rogers :
- En tant que co-équipier : posons des questions pour clarifier, comprendre le besoin derrière la demande et expliciter l’implicite
- En tant que manager : demander à l’autre de reformuler ce qu’il a compris (ce qui n’est pas toujours évident) ou lui poser des questions du type : comment vas-tu t’y prendre ? quelles sont tes hypothèses à ce stade ? Qu’en penses-tu ?
Enfin, adaptez vos objectifs et leur suivi au niveau d’autonomie de la personne. L’autonomie peut être présentée comme une fonction de la compétence et de la motivation :
- A un co-équipier motivé et compétent, vous pouvez accorder beaucoup d’autonomie.
- Il faudra accompagner le jeune co-équipier, motivé mais encore peu compétent : montrer, expliquer, corriger pour l’aider dans sa montée en compétence
- Pour un co-équipier plus sénior, mais dont la motivation a baissé, il faudra travailler la motivation, donner des signes de reconnaissance positifs, valoriser les réussites et les avancées
- Enfin, pour le co-équipier peu motivé et peu compétent, rester sur des itérations courtes, avec des objectifs simples à suivre et à mesurer, puis, au fil de l’eau, essayez de développer la motivation
Gardez en tête que la motivation est bien souvent contextuelle. Il nous arrive à tous d’être plus ou moins motivé en fonction des situations et des moments de notre vie, de notre carrière.
Préserver la motivation de son équipe à distance est vrai un challenge. Tous les petits signes non-verbaux qu’une personne décrypte au quotidien chez son manager et qui lui permettent de détecter son niveau de satisfaction ne sont plus là. La théorie de signes de reconnaissance venue de l’Analyse Transactionnelle peut vous aider.
- Donnez régulièrement des feedbacks à votre équipe, et notamment des feedbacks positifs. Le premier signe de reconnaissance positif de la journée est souvent un « bonjour, comment ça va ? »… A distance, vous pouvez utiliser Whatsapp ou d’autres messageries instantanées.
- Le deuxième signe de reconnaissance positif est le « merci ». Il est important d’en envoyer régulièrement à vos équipes. Et, si vous avez trouvé un travail de bonne qualité, dites-le et expliquez pourquoi. Deux vertus à cela : tout d’abord renforcer les compétences en expliquant ce qui est bien dans le travail fourni et, ensuite, montrer que vous consacrez du temps à la personne
- Ayez conscience que l’absence de feedback, positif ou négatif, est ce qu’il y a de plus anxiogène, surtout à distance. Pour ma part, quand j’ai envoyé quelque chose d’important à mon manager ou à un client, j’ai souvent du mal à me remettre à travailler avant d’avoir eu un retour de sa part
- Enfin, c’est parce que vous aurez passé du temps sur les feedbacks positifs qu’il vous sera plus facile de donner un feedback négatif
Dernier challenge, et non des moindres, du management à distance : préserver et développer l’esprit d’équipe. L’esprit d’équipe tient beaucoup du lien qui existe entre les personnes et du sentiment de pouvoir compter les uns sur les autres. A distance, ce lien est distendu et demande d’être entretenu sur deux dimensions : le lien individuel avec chacun de vos co-équipiers et le lien collectif. Plusieurs pistes pour préserver ce lien collectif :
- Faites régulièrement des communications groupées à vos équipe, par email ou via un groupe Whatsapp
- Montez de check-in courts et quotidiens, en téléconférence ou en audio, comme le font les équipes agiles, pour faire un point en toute transparence sur l’activité de chacun et identifier les besoins d’entraide
- Maintenez des rituels d’équipe, comme la réunion hebdomadaire, en favorisant la visio afin que chacun puisse se voir. Plusieurs modèles de réunions d’équipe issus des pratiques agiles et des entreprise libérées, inspirées de la sociocratie ou de l’holacratie, se prêtent bien aux réunions à distance. Ils organisent, en effet, l’efficacité de ces moments en commun
- Enfin, utilisez tous les outils numériques de partage comme Trello pour assurer un maximum de transparence et d’accessibilité sur le travail de chacun au sein de l’équipe
En conclusion, un management à distance est un management basé sur la confiance. La confiance dans les personnes, bien sûr, mais aussi la confiance dans les processus. Manager une équipe éparpillée ça s’organise !
Pour aller plus loin deux références :
– Télétravail : comment créer une culture d’entreprise à distance, par Charles Thomas, Samuel Durand, Harvard Business Review France, 20/02/2020 (https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2020/02/29310-teletravail-comment-creer-une-culture-dentreprise-a-distance/)
– Les télétravailleurs sont vraiment plus productifs, Harvard Business Review France, 09/01/2020 (https://www.hbrfrance.fr/magazine/2020/01/28763-les-teletravailleurs-sont-vraiment-plus-productifs/)